Produits défectueux – Ordre public et office du juge – Mise en circulation d’un produit
Publié le :
27/02/2018
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2018
Arrêt de la Chambre mixte de la Cour de cassation du 7 juillet 2017, N°15-25651
Dans un arrêt du 7 juillet 2017, la Chambre mixte de la Cour de cassation a jugé que les règles issues de la Directive européenne N°85/374 CEE du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, règlementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux (à savoir, les articles 1245 et s. du code civil – anciennement articles 1386-1 et s. du code civil) doivent être considérées comme des dispositions d’ordre public devant être appliquées d’office par les juges nationaux.
Cela signifie que les juges français sont désormais tenus de rechercher, spontanément, si les conditions de la responsabilité du fait des produits défectueux sont réunies et, le cas échéant, de condamner les fabricants sur ce fondement, même s’il n’a pas été invoqué.
La Chambre mixte précise bien que cette application d’office résulte de la circonstance particulière qu’il s’agit de règles du droit de l’Union européenne, qui doivent donc être considérées comme des règles d’ordre public d’application obligatoire. Si ce principe était déjà connu pour les règles issues du droit de l’Union européenne relatives au droit de la consommation, son affirmation pour des règles non spécifiques au consommateur (comme cela est le cas pour la Directive sur la responsabilité du fait des produits défectueux) est nouvelle.
Dans le communiqué joint à l’arrêt, la Cour de cassation explique qu’elle entend ainsi « attirer l’attention des juges du fond sur la primauté du droit de l’Union et l’obligation pour le juge national d’assurer la pleine effectivité de ce droit ».
Le contexte dans lequel cet arrêt a été rendu mérite d’être abordé. Il s’agit d’une action initiée à l’encontre de la société Monsanto par un agriculteur (professionnel), qui a acheté le produit auprès d’un revendeur intermédiaire et subi une intoxication en l’utilisant.
Le demandeur invoquait, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel de la société Monsanto, qui aurait consisté dans un « manquement à son obligation générale d’information et de sécurité pour n’avoir pas respecté les règles applicables en matière d’emballage et d’étiquetage des produits » (cf. : arrêt CA Lyon du 10/09/2015, N°07/07363).
La société Monsanto contestait quant à elle le caractère délictuel de l’action et cherchait à imposer les conditions de son contrat, notamment les clauses élusives de responsabilité.
Les juges de première instance comme d’appel ont fait droit aux demandes du plaignant, constatant que Monsanto avait failli à son obligation d’information et de renseignement, ce qui est manquement contractuel constituant une faute délictuelle pouvant être soulevée par un tiers.
Il peut être compris de cet arrêt, qu’en exigeant des juges qu’ils examinent les conditions de la responsabilité du fait des produits défectueux lorsque les victimes imputent « l’origine de leur dommage à l’insuffisance des mentions portées sur l’étiquetage et l’emballage du produit », la Chambre mixte décide qu’un tel manquement à une obligation d’information et de renseignement ne constitue pas une faute (contractuelle ou délictuelle) distincte du défaut de sécurité au sens de l’article 1245-17 (anc. 1386-17) du code civil et de la jurisprudence qui en a précisé la portée (cf. notamment CJUE, 25/04/2002, C 52/00).
En tout état de cause, en dirigeant les débats vers la responsabilité du fait des produits défectueux, que les juges doivent désormais soulever d’office, la Chambre mixte évite, de fait, d’avoir à se prononcer sur la question du fondement juridique (contractuel ou délictuel) et des caractéristiques de la faute à retenir dans une telle configuration, et notamment de trancher la question de savoir si un manquement à une obligation générale d’information et de sécurité est un manquement contractuel qui peut, ou non, constituer une faute délictuelle.
Autre enseignement de cet arrêt : la Cour de cassation expose explicitement que la date de mise en circulation à retenir pour un produit fabriqué en série est, non pas celle de la mise en circulation du premier exemplaire de la série, mais celle de la commercialisation du lot concerné. Il y a donc autant de mises en circulation au sens du droit de la responsabilité du fait des produits défectueux que de lots, ce qui a des conséquences importantes notamment au regard des délais de prescription et forclusion.
Solène Marais
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